"Ça fait aujourd’hui 71 ans que je suis né, à
Alcanadas. Suivant la légende, l’Arche de Noé a
été construite à quelques kilomètres du village et
pendant le déluge, Noé est venu là. C’est pour ça
qu’on dit “A Arca nada”, l’arche nage, et que le
village s’appelle Alcanadas. Je suis né un 24
février 1934, à 9 heures du matin, suivant ma
mère. J’étais rond comme je suis aujourd’hui,
sans pouvoir rester sur une chaise trop
longtemps.
J’avais trois frères et une soeur, mon père était
mineur. Quand la sirène de la mine sonnait, il
partait tout pressé et après, j’allais lui amener le
déjeuner. Je le voyais sortir à cinq heures, tout
noir. C’est des images que je garde encore : tous
ces gens qui arrivaient fatigués, la peau blanche
et noir le visage. Ils habitaient dans des
conditions dures et la seule vie était d’aller au
bistrot boire du vin et se chauffer. Les gens du
Sud du Portugal chantaient alors des chansons
de peine, de nostalgie. Je les vois encore, quatre
ou cinq embrassés en train de chanter.
La vie de village à Alcanadas était marquée par
ces mineurs venus d’ailleurs, du Nord, du Sud du
Portugal et aussi d’Espagne, des gens très
pauvres. Tout ça m’a suivi quand plus tard je suis
venu en France, habitant dans un bidonville, et
m’a appris à réfléchir à ce qu’est la misère
humaine, économique, la misère tout court. C’est
là qu’on se forge, qu’on se fait une peau forte
capable de résister à un tir de canon. Ces
souvenirs font partie de mon apprentissage..."
Découvrir le parcours de Monsieur Baptista de Matos sur le lien http://www.histoire-immigration.fr/portrait.php?id=7
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