L’histoire de ma famille en France a commencé il y a bien longtemps, dans les années 60, comme beaucoup de portugais qui voulaient fuir le régime de Salazar et du même coup donner une vie meilleure à leurs enfants.
Mon grand-père maternel, Germano Machado Garcia a décidé de venir en France en 1961 en laissant sa femme Gracinda Montinho Garcia et ses deux enfants Maria de Fatima (ma mère) et Fernando (mon oncle). Mais à l’époque il fallait ruser pour traverser les frontières, après une longue marche à pied à travers le Portugal puis l’Espagne et un passage dans le coffre d’une voiture puis une seconde, et encore de la marche… bref un voyage de 8 jours à travers le Portugal, l’Espagne et la France.
Il est arrivé à Nanterre (92), mais pas de logement fixe, ni de travail. La vie n’était pas simple pour lui mais avec le temps il a fini par trouver du travail puis un logement. Quelque année plus tard il a trouvé du travail dans une usine du côté d’Orléans (45). En 1968 ma grand-mère est venu le rejoindre quelques années, puis elle est repartie pour s’occuper de ma mère et de mon oncle.
En 1975, ma mère avait 18 ans quand elle est venue rejoindre mon grand-père, à Orléans. Dans un premier temps elle a travaillé comme femme de ménage dans une pharmacie puis comme employée d’étages dans un hôtel.
Mes parents se sont mariés en février 1976 et je suis née le 28 Septembre de la même année.
Mon père en 1977, a décidé de partir s’installer à Paris. J’avais 6 mois quand ils m’ont confié à ma grand-mère maternelle au Portugal, le temps de trouver un travail, de déménager, de s’installer…
A Orleans, mon père a travaillé dans plusieurs usines. En arrivant sur Paris il a commencé à travailler dans une boucherie puis il a gravi les échelons année après année. Il faisait les trois huit par fois, je le voyais peu. Il a travaillé comme chef bouché jusqu’à sa retraite en 2013.
Après plusieurs problèmes de logement, ma mère a fini par trouver un logement et un travail. Elle est devenue concierge d’immeuble au 73 rue Carnot à Levallois Perret (92).
J’avais presque 3 ans quand mon père est venu me chercher. Je pris pour la première fois l’avion, il parait que je ne tenais pas en place, que j’avais mal aux oreilles et que je criais « je veux descendre ».
Les montagnes, les petites ruelles, les chemins ainsi que les champs de Gralhas, ont laissé place au béton de la ville de Levallois Perret. En une journée je suis passée d’une maison à une petite loge de concierge de 20 m². Je ne me souviens évidemment pas de ce que j’ai ressenti, mais ma mère m’a dit que le premier mois était très difficile, je lui disais « je veux retourner chez grand-mère et ta maison est pourrie ».
Le temps a fini par faire son œuvre, j’avais perdu les bras de ma grande mère mais retrouvé ceux de ma mère et finalement je n’ai pas perdu au change. Ma grand-mère était une femme extraordinaire et ma mère est une femme formidable.
Je suis restée avec ma mère jusqu’à ma rentrée à l’école primaire à 5 ans, en CP, (maman voulait rattraper le temps perdu, donc pas de maternelle pour moi). En plus de la loge de concierge comme beaucoup de personne en ce temps-là, elle faisait des heures de ménage et s’occupait d’une petite fille (dans la journée) et le ménage dans des bureaux (le matin très tôt et le soir). Je passais mes journées avec elle chez ses patrons les Rioult, Sophie (la fille de ses patrons) avait 4 ans de plus que moi, mais elle ne m’aimait pas beaucoup car je touchais à ses jouets.
Quand j’y pense elle avait des journées de folies, elle ne dormait pas plus de 5h par nuit.
Je me souviens de ma première rentrée des classes. Il y avait des enfants qui pleuraient, ils ne voulaient pas quitter leurs parents. Je ne comprenais pas trop surtout que pour moi c’était ma mère qui pleurait…
J’ai passé ma primaire dans une école privé catholique, Saint Marie de la Providence à Levallois Perret. J’étais très bavarde et curieuse, je ne tenais pas en place.
Nous sommes restés dans cette petite loge jusqu’à ma rentrée au collège. Même si elle était petite on y était bien. Mes parents organisaient très souvent le dimanche des petites fêtes ou des déjeunés en famille. Je me souviens de mon parrain qui jouait parfois de l’accordéon, pendant que mes cousins et moi jouions dans la cour. Cette cour pour moi était comme ma résidence secondaire, j’en y ai passé du temps.
Il y avait une boucherie à gauche de l’immeuble et une boulangerie à droite. Je me souviens de la bonne odeur du pain et des croissants, car le four de la boulangerie donnait sur la cour.
Ma mère s’était lier d’amitié avec la bouchère, ils avaient également une fille. Stéphanie avait 3 ans de plus que moi, nous jouions très souvent ensemble. Ils avaient aussi une chienne, elle était super grande, Laxmy elle s’appelait. J’allais de temps en temps la promener.
Nous avons eu de très bon moment dans cette loge, j’y ai très peu de mauvais souvenir. Entre mes 8 et 10 ans j’allais avec ma mère faire le ménage dans un petit bureau du trésor public sur la place de la planchette à Levallois. Je vidais les poubelles pendant que ma mère faisait les poussières et l’aspirateur. Pour moi il s’agissait plus d’un jeu que d’un travail.
Mon moment préfère de l’année était, le mois d’août je retrouvais mes grands-parents, et les montagnes de Gralhas. Le mois d’août touchant à sa fin, il fallait rentrer à Levallois, mais toujours avec un pincement au cœur. Pour ne pas être trop triste je me disais, qu’il allait y avoir mon anniversaire et noël, les deux fêtes les plus importantes pour moi et puis je savais que j’allais revenir.
En 1988, nous avons déménagé au 15 rue Verniquet 75017 Paris, cette fois la loge était plus grande. J’avais un espace plus grand pour moi, un peu comme une petite chambre avec une mezzanine.
Vu que j’étais plus grande, j’aidais un peu plus ma mère dans ses tâches quotidiennes. Je l’aidais à nettoyer les escaliers de l’immeuble et à distribuer le courrier. Comme j’étais la fille de la concierge les gens me faisaient plus confiance et de nombreux parents me proposaient de faire du babysitting.
Etant enfant puis adolescente, je n’ai jamais eu l’impression d’être différente des autres enfants de ma classe. Bien sûr je n’avais pas de vraie chambre, j’avais un petit chez moi mais l’important c’est d’être heureux et peu importe nos origines.
En 1995 nous sommes retournés à Levallois mais cette fois plus en tant que concierge. Mes parents ont acheté un appartement et j’ai eu enfin ma chambre. Ma mère a mis un point final à son métier de concierge.
Aujourd’hui, je tiens à remercier mes parents et à les félicités pour leurs parcours incroyables, ils n’ont pas eu une vie facile mais ils peuvent être fière d’eux. J’ai la chance d’avoir eu une enfance plutôt heureuse mais surtout d’avoir eu des parents formidables. Merci à vous deux.
Grace C Garcia
Commentaires