Souvent, lorsque mon père et moi voyageons seuls, j’aime le questionner sur son enfance, sur sa vie là-bas, dans ce petit village de Tras-os-Montes au pied du Larouco, où j’ai moi-même vécu deux ans durant mon enfance.
Je sais peu de choses sur ma grand-mère paternelle, je l’ai très peu connu. Je sais qu’elle s’appelait Ana, « Barina » pour les gens du village, qu’elle n’a jamais été mariée, et qu’elle a eu quatre enfants qu’elle a élevés seule. Mon père était le fils du curé Padre Avelino . C’était un homme plutôt bon, lettré et respecté comme tous les hommes d’église à cette l’époque. Ma grand-mère aimait cet homme, mais n’attendait rien de lui. Elle se débrouillait seule.
D’après mon père, Ana était une femme particulièrement courageuse que la vie avait endurcie. Malgré sa dureté, ma grand-mère aimait ses enfants. Elle essayait tant bien que mal de leur donner ce dont ils avaient besoin. Alors, elle ne manquait pas d’ingéniosité pour les nourrir …
La nuit tombée elle partait avec mon père, alors âgé de 8 ans, arracher ce qu’ils appelaient « torgos de urze » des buissons de bruyère, que ma grand-mère faisait bruler afin d’obtenir du charbon. Elle revenait plus tard avec mon père et sa sœur ainée afin de remplir des sacs du jute qu’elle chargeait sur des ânes que des personnes du village lui prêtaient. Puis vers quatre heures du matin, ils prenaient la route vers la ville de Chaves. Ils arrivaient généralement vers 10 heures, fatigués, mais à peine arrivés ils se mettaient à alpaguer les clients : « qui veut du charbon ». Une fois tous les sacs de charbon vendus, ils repartaient vers Agrela , Torre, Couto pour acheter du vin.
De retour au village, ma grand-mère aidée de ses enfants, remplissait des tonneaux de vin, et durant la journée sa maison se transformait en taverne illégale. Des femmes et des hommes venaient boire leur verre, et échangeait un litre de vin contre un sac de pommes de terres ou autres denrées, ce qui permettait à ma grand-mère de nourrir ses enfants.
Bien qu’ayant peu de moyen, elle ne manquait pas de donner à manger à ceux qui en avait besoin. La porte de chez elle était toujours ouverte. La générosité et la convivialité allaient de pair dans cette petite maison.
Elle était peut-être illettrée Grand-mère Barina, mais alors, qu'elle femme d’affaires.
Photos de César Prata
Commentaires