Je tiens à remercier Victor Marques d’avoir accepté cette interview pour le blog « aldeia de gralhas »
Olà Victor,
De quelle Région du Portugal sont originaires ton père et ta mère ?
Mes parents viennent de Gondemaria et Avanteira, deux villages situés au centre du portugal vers Ourém, à 15 km de Fatima et 50 km de la mer la plus proche (Nazaré).
Peux-tu me parler en quelques lignes de cette région...
La première chose qui me vient c’est l’odeur des eucalyptus. Quand j’entre dans le village de ma grand-mère maternelle ce parfum me fait faire un bond dans mon enfance, c’est systématique !
Mes souvenirs sont tous liés à cette époque où nous allions nous baigner dans les lavoirs pendant que nos mères lavaient leur linge, où nous nous lavions les pieds au coin du feu avec grand père et plein d’autres petits souvenirs pittoresques.
Aimes-tu le Portugal et pourquoi ?
J’aime le Portugal comme on aime sa mère. Malgré que je sois né à Paris et que j’ai le cœur rempli de France c’est du sang portugais qui coule dans mes artères, je suis irrésistiblement attiré, j’y suis chez moi, je m’y sens légitime. Ce qui me fait aimer le Portugal c’est les gens que je connais là bas et qui t’accueillent toujours avec tendresse, c’est un cocoon en quelque sorte.
Raconte-nous un souvenir de vacances au Portugal lorsque tu étais enfant ?
Les fêtes de villages étaient attendues avec effervescence. Je me souviens des kilomètres parcourus à pied en pleine forêt avec ma sœur et une poignée d’amis. Heureusement le projet blair witch n’existait pas encore mais on s’amusait à se faire peur. Quand il m’arrive de refaire les mêmes trajets en voiture je me dis qu’on était vraiment dingues !
Aller un second parce que c’était trop bien l’époque « das descamisadas ». On se retrouvait le soir entre gens du village pour enlever la peau du maïs, boire « ginginha », chanter et écouter les vieux raconter des histoires de leurs temps ou les commérages. La tradition était d’aller chez chaque voisins qui avait du maïs et de l’aider à notre tour ce qui pouvait durer plusieurs soirs. Gamins on se cachait sous les peaux sèches et ados on draguait la jolie voisine ;-)
Parles-tu Portugais couramment ? Comment l'as tu appris ?
Oui mais dés que je ne parle pas un long moment, j’ai du mal à trouver mes mots, les tournures grammaticales et même les conjugaisons ! J’ai été élevé par ma mère non francophone à l’époque alors j’ai parlé portugais avant d’entrer à l’école. Plus tard en primaire j’ai suivi des cours de portugais mais c’est là que ma rébellion anti communautariste a commencé ! J’ai toujours parlé portugais par la suite mais je n’ai commencé à chanter en portugais que vers l’âge de 19 ans. C’est là que j’ai réellement découvert mon attachement et mon amour profond pour cette langue. J’ai ensuite repris des cours avec mon amie Paula Gonçalves et depuis je navigue entre des moments plus ou moins lusophones. Il faut dire qu’avec la sortie de mon album j’ai du m’y remettre.
Sais-tu comment sont arrivés tes grands-parents et tes parents en France ?
Mon grand père paternel est arrivé à la fin des années 60 accompagné de son fils ainé (mon père). Ils ont travaillé dans les chantiers et vivaient dans les bidonvilles de Villiers sur Marne. Il y a de très beaux reportages sur la diaspora portugaise. As barracas comme ils les appelaient, étaient situés un peu partout en ile de France, les gens y arrivaient par connaissances, c’est ainsi que des personnes du même village se retrouvaient à 1800km de chez eux mais entourés et solidaires. Je suis très fière de mes parents et de leur courage, je suis sédentaire et confortable comparé à ce qu’ils ont du vivre. Ma mère à rejoint mon père au début des années 70 fuyant la dictature et je suis né en juillet 74 juste après la révolution.
Que sais-tu de l'émigration portugaise en France ? Parle-nous de ton vécu…
Oups j’ai un peu répondu dans la question précédente ! Par contre pour ce qui est de mon vécu il a été douloureux. J’ai subi, comme beaucoup, les préjugés, moqueries et sarcasmes ravageurs de mes camarades de classe toute ma vie scolaire. Très jeune, la question « tu préfère la France ou le Portugal ? » me mettait mal à l’aise car je ne comprenais pas pourquoi il fallait choisir. L’adolescence d’un petit Victor portugais a été riche en bagarres et conflits (en France mais aussi au Portugal). Et puis on s’habitue à être tantôt le portugais et tantôt le français, c’est une richesse formidable.
Te sens-tu plus français ou portugais ?
Je suis Français. Je parle, pense et vi ici. Je suis culturellement intégré, Paris est ma capitale et je fais visiter cette ville à mes amis étrangers comme si c’était la mienne. Je suis français pour tout un tas de raisons inexplicables, je le ressens ainsi c’est tout. Malgré tout ma famille est portugaise, j’adore cette langue et je suis proche de tout ce qui concerne le Portugal mais je n’ai pas le désir d’aller y vivre. Avec l’âge par contre nous sommes rattrapés par des réalités telles que les héritages et partages de biens et je sais que mon futur est encore lié à ce pays pour longtemps et j’espère pouvoir transmettre cet amour pour mes racines à mes enfants.
Si je te dis 'le Portugal', à quoi penses-tu ?
Là tout de suite sans réfléchir je pense à un « pastel de nata » que j’ai mangé juste en bordure do Tejo sous un soleil éblouissant alors que je venais de me lever. Je sais ça fait cliché mais j’ai ce moment gravé dans mes rétines, va savoir pourquoi. Je pense à musique et tous les artistes que j’affectionne. Je pense à mes grands parents et leurs histoires, leurs légendes.
Aimerais-tu vivre au Portugal ? Pourquoi ?
Je pense que non à cause de l’état d’esprit de jeunes. Je pense qu’à long terme je ne supporterai pas. Je sais aussi qu’il y a un grand nombre de personnes qui sont hostiles au retour des émigrés. Par contre y retourner de temps en temps ou même y rester quelques mois pour la promo de mon album par exemple… OUI !
Si tu devais clore ce questionnaire par quelques mots en portugais quels seraient-ils ?
Azeitona, açucar, oxala, le mélange des langues est une richesse culturelle savoureuse.
Merci Yvonne !
Victor Marques
Pour découvrir JAOARA
moi je suis née a avanteira en avril 1958.je suis arrivée en France en 1966,quand je lis ce que tu racontes cela me ramènes a mon enfance au Portugal je m'y revois et ça fait du bien!je suis persuadée que tes grands-parents connaissent mes parents car le village etait une grande famille! je me souviens quand on allait a Freixianda ou a Pelma a pied!de mon école qui n'existe plus.da casa do Elisio o da tia Virginia qui m'adorait.je te remercie pour avoir si bien raconter ce que je n'oublierai jamais!et puis arrivé en France mon père aussi a connu as barracas.tu as su te faire connaitre je te felicite et te souhaite le meilleur pour l'avenir.Virginia
Rédigé par : virginia de oliveira martins | 06/07/2010 à 10:36