Catherine Ribeiro naît à Lyon le 22 septembre 1941 dans une famille d'origine portugaise. Elle commence sa carrière de chanteuse dans un style doublement influencé par le folk de Bob Dylan, dont elle reprend des titres adaptés en français par Hugues Aufray, et les grandes voix d'expression française que sont Jacques Brel, Édith Piaf et Léo Ferré, comme en témoignent quatre super 45 tours parus entre 1964 et 1966.
Celle que l'on appelait "la pasionaria rouge" est une femme de spiritualité. Dans le passé, elle fit des retraites chez les carmélites, les pères Carmes et les bénédictines : "Pour le silence et parvenir à me ressourcer", confesse-t-elle. Hindouiste dans les années 60, elle lit encore chaque jour quelques versets de la Bhagavad-Gîtâ et nous en livre au hasard un verset : "Je suis la force affranchie du désir et de la passion." Un hasard qui correspond bien à cette artiste, dont le groupe Catherine Ribeiro + Alpes, créé après 1968 avec le compositeur Patrice Moullet, accéda au premier rang de la pop musique française. Des textes puissants servis par une voix grave, violente, enveloppée de tendresse par ses inflexions et ses harmoniques.
La chanteuse est envoûtante. Elle fit ses premiers pas dans le temple comme comédienne. Les carabiniers de Jean-Luc Gordard demeure dans la mémoire des cinéphiles, mais elle en parle peu. Sa présence fortuite sur la photo du siècle prise par Jean-Marie Périer le 12 avril 1966 à 16 heures (Elle est tout en haut, entre Hughes Aufray et Eddy Mitchell) ne fait pas d'elle pour autant une chanteuse yé-yé : "Cela n'évoque rien du tout pour moi", avoue-t-elle.
La vraie naissance de Catherine Ribeiro est en octobre 1969 : "Je n'ai commencé à vivre que lorsque je suis montée sur scène." Elle remplira les salles, sera ovationnée pendant quarante ans. C'est parfois à la bougie qu'elle éclaira ses concerts : "J'avais lu La psychanalyse du feu de Gaston Bachelard, mais ce n'est pas la seule raison à cela. Les groupes anglo-saxons recouraient à une débauche de lumières et, nous, nous avions trois fois rien. Je suis allée au bout de cette logique." La sécurité s'arrachait les cheveux et menaçait de fermer la salle, au risque de voir le public tout casser : "Pour peu qu'un léger courant d'air arrive des coulisses, les bougies se consumaient plus vite que prévu, et nous terminions dans la pénombre."
L'artiste déclina par deux fois la proposition de Bruno Coquatrix de passer à l'Olympia pendant deux semaines, parce qu'elle ne voulait pas chanter deux jours de suite : "Ma voix n'aurait pas tenu, elle n'était pas électrifiée au regard du volume sonore des musiciens." Cela la priva d'une visibilité. Elle refusa de chanter en play-back orchestre à la télévision, parce qu'on ne voulait pas des musiciens. Elle reconnaît à Philippe Bouvard le mérite de l'avoir bien reçue : "Il a été éminemment sympathique et chaleureux à mon égard."
Pas sectaire, mais pas docile, Catherine Ribeiro se battra pour le statut des artistes. En mai 1979, elle fait dix jours de grève de la faim pour faire reconnaître "le droit de l'artiste interprète", après la sortie de son album dans lequel elle chante Prévert. Elle supportait mal aussi la mention qui figurait sur tous les disques dont elle était l'auteur : "Les textes de ces chansons n'engagent que leur auteur." François Mitterrand vint la voir avec Jack Lang. Une fois élu président de la République, il ne la perdra pas de vue et en 1982, alors qu'elle remplit pendant trois semaines Bobino, il se glisse discrètement dans la salle.
Politiquement engagée pour défendre les opprimés, elle ne sera pourtant jamais encartée. Catherine Ribeiro fut initiée à l'histoire de la classe ouvrière à l'OCI (Organisation communiste internationaliste). C'est Bernard Murat qui la parraina : "L'ineffable Bernard Murat, dit-elle. Il y avait aussi Pierre Arditi et Nadine Trintignant." Aujourd'hui, la politique la passionne toujours, mais elle avoue avoir voté François Hollande "par dépit".
La dernière apparition en public de Catherine Ribeiro à Paris remonte au 11 janvier 2008, devant une salle comble. Des centaines de spectateurs furent refoulés sur le trottoir du boulevard Voltaire par manque de place. Était-ce un adieu ? "Je ne peux pas l'affirmer aujourd'hui", avoue Catherine Ribeiro. "Cela m'est déjà arrivé, puis un jour l'occasion se représente et je repars. Je me sens mieux sur scène que dans ma chambre à coucher."
Article de Jean-Noël Mirande, publié le 25/05/2013 | Le Point.fr
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